Thyristors: gâchette, commutation, redressement contrôlé


Les thyristors, plus précisément les thyristors SCR (Silicon Controlled Rectifier), sont des composants électroniques semi-conducteurs unidirectionnels utilisés comme interrupteurs électroniques de puissance. Ils sont capables de contrôler des courants et des tensions élevés, ce qui les rend indispensables dans des applications telles que le redressement contrôlé, la variation de vitesse des moteurs à courant continu, et la commande de puissance en général. Le concept clé est le contrôle par gâchette, qui permet d’amorcer la conduction du thyristor.

Notions importantes: Un thyristor possède trois bornes: l’anode (A), la cathode (K) et la gâchette (G). Il se comporte comme une diode contrôlée: il bloque le courant dans le sens inverse, et, en l’absence de signal sur la gâchette, il bloque également le courant dans le sens direct.

Fonctionnement de la gâchette et amorçage


Le thyristor reste bloqué (pas de courant entre l’anode et la cathode) même si une tension positive est appliquée entre l’anode et la cathode, tant qu’aucun courant suffisant n’est appliqué à la gâchette. L’amorçage se produit lorsqu’un courant de gâchette (\(I_G\)) est injecté dans la gâchette. Ce courant de gâchette crée des porteurs de charge dans la jonction interne du thyristor, ce qui permet au courant principal de circuler entre l’anode et la cathode. Une fois amorcé, le thyristor reste en conduction même si le courant de gâchette est supprimé, tant que le courant principal (courant de maintien, \(I_H\)) reste supérieur à une valeur minimale.

Notions clés: L’amorçage est initié par \(I_G\). La conduction se maintient tant que \(I_{AK} > I_H\) (où \(I_{AK}\) est le courant anode-cathode). Le blocage se produit lorsque \(I_{AK} < I_H\) ou si la tension anode-cathode devient négative.

Commutation et blocage du thyristor


La commutation d’un thyristor fait référence à son passage de l’état bloqué à l’état conducteur (amorçage) et vice-versa (blocage). L’amorçage, comme mentionné, est contrôlé par la gâchette. Le blocage, en revanche, n’est pas directement contrôlé par la gâchette. Pour bloquer un thyristor, il faut que le courant anode-cathode (\(I_{AK}\)) descende en dessous du courant de maintien (\(I_H\)). Cela peut se produire de deux manières principales:

  • Commutation naturelle (en courant alternatif): Dans un circuit alimenté en courant alternatif, le courant s’inverse naturellement à chaque demi-alternance. Lorsque le courant passe par zéro et tente de s’inverser, le thyristor se bloque automatiquement.
  • Commutation forcée (en courant continu): Dans un circuit alimenté en courant continu, il faut utiliser un circuit externe pour forcer le courant \(I_{AK}\) à descendre en dessous de \(I_H\). Cela peut être réalisé, par exemple, en utilisant un condensateur préalablement chargé qui, lorsqu’il est connecté en parallèle avec le thyristor, dévie le courant et permet au thyristor de se bloquer.

Notion importante: On ne peut pas bloquer un thyristor en agissant sur la gâchette une fois qu’il est amorcé.

Redressement contrôlé avec thyristors


Le redressement contrôlé est une application fondamentale des thyristors. Un redresseur contrôlé convertit une tension alternative (CA) en une tension continue (CC) variable. Contrairement à un redresseur à diodes (non contrôlé), qui fournit une tension continue fixe, un redresseur à thyristors permet d’ajuster la valeur moyenne de la tension continue de sortie en contrôlant l’angle d’amorçage (\(\alpha\)) des thyristors. Plus l’angle d’amorçage est grand, plus la tension continue de sortie est faible.

Formule importante (redressement monophasé simple alternance): La tension continue moyenne (\(V_{DC}\)) en sortie d’un redresseur monophasé simple alternance contrôlé par thyristor, en fonction de l’angle d’amorçage (\(\alpha\)) et de la tension maximale de l’entrée (\(V_{max}\)), est donnée par : \[V_{DC} = \frac{V_{max}}{2\pi}(1 + \cos(\alpha))\] Pour un redressement double alternance: \[V_{DC} = \frac{V_{max}}{\pi}(1 + \cos(\alpha))\]

Exemples et Solutions


  1. Exemple 1: Un redresseur monophasé simple alternance à thyristor est alimenté par une source sinusoïdale de 230V (rms) et 50 Hz. Si l’angle d’amorçage est de 60°, calculez la tension continue moyenne de sortie.

    Solution: D’abord, on calcule \(V_{max} = V_{rms} \times \sqrt{2} = 230 \times \sqrt{2} \approx 325.3V\). Ensuite, on applique la formule pour le redressement simple alternance : \[V_{DC} = \frac{325.3}{2\pi}(1 + \cos(60^{\circ})) = \frac{325.3}{2\pi}(1 + 0.5) \approx 77.7V\]. La tension continue moyenne de sortie est d’environ 77.7V.

  2. Exemple 2: Un redresseur double alternance à thyristors est utilisé pour charger une batterie. La tension d’entrée est de 120V (rms). Quel doit être l’angle d’amorçage pour obtenir une tension continue moyenne de 50V ?

    Solution: On a \(V_{max} = 120\sqrt{2} \approx 169.7V\). On utilise la formule pour le redressement double alternance : \(V_{DC} = \frac{V_{max}}{\pi}(1 + \cos(\alpha))\). On isole \(\alpha\): \[50 = \frac{169.7}{\pi}(1 + \cos(\alpha))\] \[\cos(\alpha) = \frac{50\pi}{169.7} – 1\] \[\alpha = \arccos\left(\frac{50\pi}{169.7} – 1\right) \approx 1.66 \text{ radians} \approx 95.1^{\circ}\] L’angle d’amorçage doit être d’environ 95.1 degrés.

  3. Exemple 3: Expliquez comment un thyristor peut être utilisé pour contrôler la vitesse d’un moteur à courant continu.

    Solution: En utilisant un redresseur contrôlé à thyristors, on peut faire varier la tension continue moyenne appliquée à l’induit d’un moteur à courant continu. En augmentant l’angle d’amorçage (\(\alpha\)), on réduit la tension moyenne, ce qui diminue la vitesse du moteur. Inversement, en diminuant \(\alpha\), on augmente la tension moyenne et donc la vitesse du moteur. Ce contrôle de la tension d’induit est une méthode courante de variation de vitesse pour les moteurs à courant continu de puissance moyenne à élevée. Un circuit de régulation en boucle fermée peut être ajouté pour maintenir une vitesse constante malgré les variations de charge.

  4. Exemple 5: Expliquez la différence entre un thyristor SCR et un triac, en termes de conduction et d’applications.

    Solution:

    • SCR (Thyristor): Unidirectionnel. Il conduit le courant dans un seul sens (de l’anode vers la cathode) après avoir été amorcé par un courant positif sur la gâchette. Il est principalement utilisé dans les applications de redressement contrôlé (conversion CA en CC variable) et dans les circuits de commutation de puissance en courant continu où la commutation naturelle n’est pas possible.
    • Triac: Bidirectionnel. Il est équivalent à deux SCR montés en antiparallèle avec une gâchette commune. Il peut conduire le courant dans les *deux* sens. Il est principalement utilisé dans les applications de contrôle de puissance en courant alternatif, comme les gradateurs de lumière et les variateurs de vitesse pour moteurs à courant alternatif. Un triac permet de contrôler les deux alternances de la tension alternative, alors qu’un SCR ne contrôle qu’une seule alternance (sauf s’il est utilisé dans une configuration en pont).

Tableaux Récapitulatifs


Paramètre Symbole Description Unité
Courant de gâchette \(I_G\) Courant nécessaire pour amorcer le thyristor Ampère (A)
Courant de maintien \(I_H\) Courant minimal pour maintenir la conduction Ampère (A)
Angle d’amorçage \(\alpha\) Angle de retard de l’amorçage Degrés (°) ou Radians (rad)

Type de Thyristor Application typique Tension typique Courant typique
Thyristor de faible puissance Relais statiques, contrôle de petites charges Jusqu’à quelques centaines de volts Jusqu’à quelques ampères
Thyristor de moyenne puissance Redressement contrôlé, variation de vitesse de moteurs CC Quelques centaines à quelques milliers de volts Quelques dizaines à quelques centaines d’ampères
Thyristor de haute puissance Convertisseurs de puissance, traction électrique Plusieurs milliers de volts Plusieurs centaines à plusieurs milliers d’ampères

Avantages du thyristor Inconvénients du thyristor
  • Haute capacité de commutation en puissance.
  • Contrôle de l’amorçage précis.
  • Bon rendement.
  • Fiabilité élevée.
  • Unidirectionnel (SCR).
  • Blocage non contrôlé directement par la gâchette.
  • Nécessite des circuits de commutation forcée en CC.