Le raisonnement par l’absurde est une méthode de démonstration essentielle en mathématiques, fréquemment employée au niveau supérieur pour établir la vérité d’une proposition en montrant que sa négation mène à une contradiction.

Raisonnement par l’absurde

Le raisonnement par l’absurde, connu aussi sous le nom de reductio ad absurdum, est une forme de preuve indirecte. Pour prouver une proposition P, on suppose que P est fausse (c’est-à-dire que sa négation ¬P est vraie) et on dérive logiquement une contradiction. Cette contradiction, souvent notée , indique que l’hypothèse de départ (¬P est vraie) est incorrecte. Par conséquent, la proposition initiale P doit être vraie.

En résumé, les étapes du raisonnement par l’absurde sont les suivantes :

  1. Supposition de la négation : On suppose que la proposition P que l’on souhaite prouver est fausse, c’est-à-dire, on suppose ¬P est vraie.

  2. Déduction logique : À partir de la supposition ¬P, et en utilisant des règles logiques et des faits mathématiques connus, on dérive une conséquence, puis une autre, et ainsi de suite, dans le but d’atteindre une contradiction.

  3. Obtention d’une contradiction : On parvient à une contradiction, qui peut être de la forme Q ∧ ¬Q (une proposition et sa négation sont toutes deux vraies) ou une absurdité manifeste (par exemple, 1 = 0, un nombre est à la fois pair et impair, etc.).

  4. Conclusion : La contradiction obtenue invalide la supposition de départ (¬P est vraie). Par conséquent, la proposition initiale P est nécessairement vraie.

Le raisonnement par l’absurde est particulièrement utile lorsque la démonstration directe d’une proposition est difficile à établir, mais que la réfutation de sa négation s’avère plus accessible.

Exemples sur Raisonnement par l’absurde

Exemple 1 : Irrationnalité de √2

Démontrons par raisonnement par l’absurde que √2 est un nombre irrationnel.

Démonstration :

Supposons, par l’absurde, que √2 est un nombre rationnel. Alors, par définition d’un nombre rationnel, il existe deux entiers p et q, avec q ≠ 0, tels que √2 = p/q. On peut supposer, sans perte de généralité, que la fraction p/q est irréductible, c’est-à-dire que p et q n’ont aucun facteur commun autre que 1.

En élevant au carré les deux côtés de l’équation √2 = p/q, on obtient :

\( 2 = \frac{p^2}{q^2} \)

Ce qui implique :

\( 2q^2 = p^2 \)

De cette équation, on déduit que p2 est un nombre pair (car il est égal à 2q2, qui est clairement divisible par 2). Si p2 est pair, alors p doit également être pair (car le carré d’un nombre impair est toujours impair). Donc, p est pair, ce qui signifie qu’il existe un entier k tel que p = 2k.

Substituons p = 2k dans l’équation 2q2 = p2 :

\( 2q^2 = (2k)^2 = 4k^2 \)

En divisant les deux côtés par 2, on obtient :

\( q^2 = 2k^2 \)

Cette équation montre que q2 est également un nombre pair. Par le même raisonnement que précédemment, si q2 est pair, alors q doit être pair.

Nous avons donc montré que p est pair et q est pair. Cela signifie que p et q ont un facteur commun 2. Or, nous avions supposé que la fraction p/q était irréductible, c’est-à-dire que p et q n’avaient aucun facteur commun autre que 1. Nous arrivons donc à une contradiction.

Conclusion : La supposition initiale que √2 est rationnel mène à une contradiction. Par conséquent, par raisonnement par l’absurde, √2 est un nombre irrationnel.

Exemple 2 : Unicité de la limite d’une suite convergente

Démontrons par raisonnement par l’absurde que si une suite numérique (un) admet une limite, alors cette limite est unique.

Démonstration :

Supposons, par l’absurde, qu’une suite (un) converge vers deux limites distinctes L et L’, avec L ≠ L’. Sans perte de généralité, supposons L < L'. Posons ε = (L’ – L) / 2. Puisque L < L', on a ε > 0.

Par définition de la limite, puisque (un) converge vers L, il existe un rang N1 tel que pour tout n ≥ N1, on a |un – L| < ε, ce qui implique un < L + ε.

De même, puisque (un) converge vers L’, il existe un rang N2 tel que pour tout n ≥ N2, on a |un – L’| < ε, ce qui implique un > L’ – ε.

Considérons N = max(N1, N2). Pour tout n ≥ N, nous avons simultanément :

\( u_n < L + \epsilon \) et \( u_n > L’ – \epsilon \)

Rappelons que nous avons choisi ε = (L’ – L) / 2. Donc, L + ε = L + (L’ – L) / 2 = (L + L’) / 2 et L’ – ε = L’ – (L’ – L) / 2 = (L + L’) / 2. Par conséquent, pour tout n ≥ N, nous avons :

\( u_n < \frac{L + L'}{2} \) et \( u_n > \frac{L + L’}{2} \)

Ce qui est impossible : un ne peut pas être à la fois strictement inférieur et strictement supérieur à (L + L’) / 2. Nous obtenons une contradiction.

Conclusion : L’hypothèse de départ selon laquelle la suite (un) possède deux limites distinctes mène à une contradiction. Par conséquent, par raisonnement par l’absurde, si une suite numérique admet une limite, cette limite est unique.