L’Inégalité triangulaire est une propriété fondamentale des distances et des normes, exprimant que la longueur d’un côté d’un triangle est toujours inférieure ou égale à la somme des longueurs des deux autres côtés.
Inégalité triangulaire
Soit \( (E, d) \) un espace métrique, où \( d \) est une distance. Pour tous points \( x, y, z \in E \), l’inégalité triangulaire s’énonce comme suit :
\[ d(x, z) \le d(x, y) + d(y, z) \]Si \( (E, \|\cdot\|) \) est un espace vectoriel normé, l’inégalité triangulaire pour la norme s’écrit :
\[ \|x + y\| \le \|x\| + \|y\| \]pour tous vecteurs \( x, y \in E \). Cette inégalité découle de l’inégalité triangulaire pour la distance induite par la norme : \( d(x, y) = \|x – y\| \). En effet, en posant \( z = 0 \), on a : \( \|x – 0\| \le \|x – y\| + \|y – 0\| \), soit \( \|x\| \le \|x – y\| + \|y\| \). En remplaçant \(x\) par \(x+y\), on obtient l’inégalité souhaitée.
Cas d’égalité: Dans un espace vectoriel normé, il y a égalité \( \|x + y\| = \|x\| + \|y\| \) si et seulement si \( x \) et \( y \) sont positivement colinéaires, c’est-à-dire s’il existe un réel \( \lambda \ge 0 \) tel que \( x = \lambda y \) ou \( y = \lambda x \).
Généralisation (inégalité triangulaire généralisée) : Pour une somme de \( n \) vecteurs \( x_1, x_2, \dots, x_n \) dans un espace normé :
\[ \left\| \sum_{i=1}^n x_i \right\| \le \sum_{i=1}^n \|x_i\| \]Démonstration (pour la norme)
La démonstration repose sur les propriétés des normes et, dans le cas des espaces préhilbertiens, sur l’inégalité de Cauchy-Schwarz. Pour un espace normé général, on procède par récurrence à partir du cas de base (\(n=2\)). Le cas \(n = 2\) est une des propriétés qui définit une norme.
Démonstration par récurrence de l’inégalité triangulaire généralisée:
Initialisation : pour n=2, on retrouve l’inégalité triangulaire classique: \( \| x_1+x_2\| \le \|x_1\| + \|x_2\|\). Hérédité: On suppose que : \[ \left\|\sum_{k=1}^n x_k \right\| \leq \sum_{k=1}^n \|x_k\|.\] On veut montrer que : \[\left\|\sum_{k=1}^{n+1} x_k \right\| \leq \sum_{k=1}^{n+1} \|x_k\|.\] On a : \[\left\|\sum_{k=1}^{n+1} x_k \right\| = \left\|\sum_{k=1}^{n} x_k + x_{n+1} \right\|.\] On applique l’inégalité triangulaire usuelle. \[ \left\|\sum_{k=1}^{n} x_k + x_{n+1} \right\| \le \left\|\sum_{k=1}^{n} x_k \right\| + \|x_{n+1}\|.\] On applique l’hypothèse de récurrence : \[ \left\|\sum_{k=1}^{n} x_k \right\| + \|x_{n+1}\| \le \sum_{k=1}^n \|x_k\| + \|x_{n+1}\|.\] Finalement : \[\left\|\sum_{k=1}^{n+1} x_k \right\| \leq \sum_{k=1}^{n+1} \|x_k\|.\]
Exemples sur l’Inégalité triangulaire
Exemple 1: Dans \( \mathbb{R} \) avec la valeur absolue comme norme, \( |x + y| \le |x| + |y| \). Par exemple, si \( x = -3 \) et \( y = 5 \), alors \( |-3 + 5| = |2| = 2 \), et \( |-3| + |5| = 3 + 5 = 8 \). On a bien \( 2 \le 8 \).
Exemple 2: Dans \( \mathbb{C} \) avec le module comme norme, \( |z_1 + z_2| \le |z_1| + |z_2| \). Par exemple, si \(z_1=1+i\) et \(z_2 = 2-i\). Alors: \[|z_1+z_2| = |3| = 3\] \[ |z_1| = \sqrt{1^2+1^2} = \sqrt{2} \] \[ |z_2| = \sqrt{2^2+(-1)^2} = \sqrt{5} \] On a bien \( 3 \le \sqrt{2} + \sqrt{5} \).
Exemple 3: Dans \( \mathbb{R}^2 \) avec la norme euclidienne, \( \|x + y\| \le \|x\| + \|y\| \). Si \( x = (1, 2) \) et \( y = (3, -1) \), alors \( x + y = (4, 1) \), \( \|x + y\| = \sqrt{4^2 + 1^2} = \sqrt{17} \), \( \|x\| = \sqrt{1^2 + 2^2} = \sqrt{5} \), et \( \|y\| = \sqrt{3^2 + (-1)^2} = \sqrt{10} \). On vérifie \( \sqrt{17} \le \sqrt{5} + \sqrt{10} \).
Exemple 4 : Inégalité triangulaire pour la distance discrète. Si on a un ensemble \(E\), et \(d\) la distance discrète définie par: \(d(x,y) = 0\) si \(x=y\) et \(d(x,y)=1\) si \(x \neq y\). Montrer que \(d\) vérifie l’inégalité triangulaire. Réponse: Soient \(x, y, z \in E\).
- Si \(x=z\), alors \(d(x,z) = 0\) et donc \(d(x,z) \le d(x,y)+d(y,z)\) est vérifiée.
- Si \(x \neq z\), alors \(d(x,z)=1\). \(x\) est différent de \(y\) ou \(y\) est différent de \(z\) (ou les deux), car sinon on aurait \(x=y=z\). Donc \(d(x,y)+d(y,z) \ge 1\), et l’inégalité est vérifiée.